Interview Hara et Buronson (2000 – Hilton Tokyo)

Interview fleuve réalisée le 26 mai 2000 au Hilton Tokyo, dans le cadre de la sortie de la série de figurines Kaiyodo 200X.

Traduit du japonais pour Hokuto Destiny

Traduction libre depuis l’italien par Lhaz


Aujourd’hui, je voudrais vous parler de l’incroyable popularité que connaissent ces derniers temps les figurines d’action Hokuto no Ken. Depuis combien de temps ne vous êtes-vous plus rencontrés ?

Buronson: On s’est revu pour une interview dans le même genre, mais on ne s’était plus rencontrés une seule fois depuis sa première publication.

Vous souhaitez rester à l’écart l’un de l’autre ?

Buronson: Non, c’est tout simplement parce que l’éditeur ne veut pas nous rencontrer.

Hara: Ils ont mis un intermédiaire entre les deux.

Buronson: Oui, ce serait terrible si Hara commençait à me ressembler (rires).

On peut dire que Hokuto no Ken est d’abord le manga de maître Hara ?

Hara: Oui, il y a eu tout d’abord deux épisodes pilotes.

Pouvez-vous nous dire comment tout cela a commencé ?

Hara: L’idée initiale était de créer un manga de combat, parce que j’ai toujours admiré Bruce Lee. J’ai alors dessiné les deux épisodes pilotes, qui ont été les précurseurs de la sérialisation dans le Shōnen Jump…

Buronson: Étant donné que son travail allait devenir une série, les pontes ont commencé à chercher quelqu’un pour travailler à ses côtés, j’ai eu la chance d’être choisi. Ce fut vraiment un grand coup de chance pour moi ! (Rires)

Alors, qu’avez-vous pensé après avoir lu les épisodes pilotes?

Buronson: Dans le pilote, Kenshirō est juste un étudiant, le faire devenir un gars qui passe son temps à tuer des gens aurait été un peu exagéré. J’ai alors suggéré de projeter l’histoire dans l’avenir, et ce fut sans doute la clé du succès. Si nous étions resté sur le pitch de départ on n’aurait jamais pu créer des personnages comme ceux là (en pointant les figurines du doigt).

Hara: Tout à fait d’accord !

Buronson: Si on avait gardé le scénario de base les ennemis auraient simplement été d’autres étudiants et des criminels. Voilà pourquoi le contexte post-apocalyptique, à mon avis, a été essentiel au succès de l’oeuvre.

Aujourd’hui, nous aimerions vous interviewer pour parler du succès des figurines Hokuto no Ken.

Buronson: Je l’avais complètement oublié (rires). Le premier c’est Shin de la Croix du Sud, non ? Je me souviens avoir créé le personnage sans même penser qu’il ferait sept cicatrices sur la poitrine de Ken. C’est une idée qui est sortie de nulle part, bien après.

Pourquoi ? vous n’aviez pas le temps de penser à tous ces détails ?

Buronson: Exactement, je n’avais même pas réfléchi à la motivation qui pousserait Kenshirō à poursuivre Shin. Hokuto no Ken est simplement né comme un Road Movie, donc j’ai d’abord créé l’ennemi, puis les sept cicatrices et finalement pour trouver un but à Kenshirō j’ai rajouté l’idée que sa femme avait été enlevée. Tout a été créé dans une séquence, une idée à la fois.

Comment trouvez-vous la figurine de Kenshirō ?

Hara: Le design est basé sur l’anime, pas mal !

À l’époque, vous n’avez jamais imaginé à quoi ressemblerait Ken en trois dimensions ?

Hara: Je l’ai toujours pensé en trois dimensions, c’est précisément la raison qui fait que j’ai travaillé dur pour me perfectionner en tant qu’artiste.

Est-ce qu’il a été appelé Ken/Kenshirō, parce qu’il est le quatrième des frères ? (四郎Shirou = quatrième fils) ?

Buronson Oui. Jagi était le plus facile à imaginer parce qu’il représentait le méchant classique. Les deux autres frères étaient à l’époque portés disparus, mais comme je n’étais pas encore sûr de moi, j’ai demandé à Hara de ne dessiner que leur silhouette, un grand et l’autre plus mince. Tout est parti de là.

Raoh est, avec Ken, l’un des personnages qui a le plus marqué les esprits de par sa stature, vous voulez dire que vous n’aviez pas encore pensé à tous les détails qui caractériseraient le Roi du Poing ?

Buronson: Pas du tout. Comme il était le plus vieux il devait être grand, tout simplement.

Hara: Raoh a été entièrement imaginé par Buronson. Je n’ai rien ajouté.

Pour créer Raoh vous vous êtes basé sur quelque chose ou quelqu’un en particulier ?

Buronson: Absolument pas ! C’était juste un gars énorme qui montait un cheval encore plus énorme. J’ai pensé qu’il aurait un impact visuel extraordinaire, c’est tout.

Interviewer: Dans les commentaires du volume manga est écrit qu’elle Buronson Sensei, dit le Maître de Hara faire Raoh était très cool dans sa première apparition.

Hara: Non, c’était une blague (rires).

Buronson: Je n’étais pas encore certain à 100% du personnage, c’est la raison pour laquelle on a d’abord montré le cheval. Quel homme peut monter un cheval dont les empreintes de sabots sont aussi grandes que celles d’un éléphant ?

Raoh est vraiment énorme.

Hara: Les proportions sont celles des “yeux du cœur”, ce n’est pas une représentation exacte des mesures. Même le cheval a l’air énorme précisément parce qu’il est vu à travers ces yeux.

Je vois. Raoh et Kokuō font partie d’un ensemble.

Un travail acharné qui devient obsession…

A l’époque, j’ai cru que l’histoire se terminerait avec la mort de Raoh.

Hara: Moi aussi…

Buronson: Il n’y avait plus rien à ajouter, l’essence même de l’histoire avait disparu.

Hara: Au début, il avait été décidé de mettre fin à la série au bout de trois ans, avec la mort de Raoh. Mais les dirigeants de l’époque sont venus nous dire : « Ressuscitez Yuria !! », vous connaissez le reste de l’histoire.

Buronson: Nous leur avons répondu qu’il n’y avait aucun moyen de poursuivre l’histoire, mais eux proposaient des trucs du genre « Que diriez-vous de faire revivre Yuria ? Ajoutez d’autres frères ! »

Hara: C’est alors qu’on a ajouté une année supplémentaire avec cette histoire du Nanto Goshasei.

Vous ne pouviez pas vous opposer à leurs demandes ? 

Buronson: Je pense que si on l’avait vraiment voulu on aurait pu le faire, mais bon…

Hara: Nous n’étions pas en position de force.

Buronson: Et quand on parle d’argent il n’y plus moyen de discuter normalement (rires).

Il est évident que les éditeurs ne voulaient pas perdre leur poule aux œufs d’or en vous donner la possibilité d’abandonner le projet.

Buronson: Oui, difficile quand vous en vendez un million d’exemplaires.

Hara: Au bout de 3 ans et demi, nous avions déjà été pendant deux ans classé 1er au classement de popularité du Weekly Shonen Jump.

Buronson: On pourrait penser qu’après la mort de Raoh on nous aurait accordé, disons, deux semaines de congé… Mais rien ! Ils nous ont demandé d’être prêts dès la semaine suivante. Ce fut l’enfer pour moi, je devais tout repenser. C’était comme de repartir à zéro.

Vous faites référence à l’histoire de l’Empereur et du pays de Shura ?

Buronson: Après la mort de Raoh c’était devenu la folie. Je ne me rappelle même plus de l’histoire ou des personnages après ça.

Hara: Au début nous voulions que l’histoire se termine par le premier combat entre Ken et Raoh, puis on a reporté jusqu’à une deuxième confrontation et enfin nous avions prévu de terminer après la troisième rencontre.

Vous vouliez déjà terminer Hokuto no Ken après le premier combat entre Ken et Raoh ?

Hara: Oui, il a été décidé de fairechoses vont bien, maisopté pour un tiragesort et cela nous a permis de poursuivre l’histoire pourautre année.

Buronson: Nous avons donc tué Rei fairefinla lutte dans un tiragesort, afin de prolonger l’histoire un peu plus.

Buronson, vous avez créé tant de personnages formidables que vous avez fait mourir les uns après les autres. Personnellement j’aimais beaucoup Rei.

Buronson: Faire mourir un bon personnage c’est la meilleur façon de le rendre populaire. C’est vicieux mais ça marche (rires).

Hara: Buronson ne m’a jamais rien dit à propos de ses futures décisions, donc du coup je laissais paraître toute mon affection pour les personnages dans mon dessin… sans connaître leur sort tragique qui les attendait. Voilà pourquoi les lecteurs sont restés surpris à la mort de Rei.

Vous voulez dire que Buronson ne vous a jamais dit “tel ou tel personnage va mourir dans quelques chapitres” ?

Hara: Oui, exactement.

Buronson: Sensei, même si je l’avais voulu je n’aurai pas pu le faire étant donné que je ne savais même pas comment j’allais développer l’histoire.

Hara: Je vois…

Si vous l’aviez su vous pensez que les personnages auraient été dessinés de manière différente ?

Hara: Oui, je pense que les lecteurs auraient commencé à sentir que quelque chose allait arriver.

Buronson: Voilà pourquoi les éditeurs ne veulent pas qu’on se rencontre, on finit toujours par parler de ce qui se passera ensuite.

Buronson: Par exemple, si maître Hara m’avait demandé d’ajouter quelque chose dans l’histoire j’aurai certainement fini par accepter. Nos dirigeants ne veulent pas de ça, ils ne veulent pas que je travaille sous influence.

Je comprends. Est-ce que le “Shichōsei” (Etoile de la Mort) était son idée, Sensei ?

Buronson: Non, j’ai demandé au rédacteur en chef s’il avait des idées. Il m’a répondu: “Oui, il y a cette étoile, on dit que ceux qui peuvent la voir dont mourir.”

Dans différentes séries il est normal que les personnages reviennent à la vie. Pourquoi ne pas avoir choisi d’aller dans cette voie ?

Hara: Pour moi, c’était difficile de ressusciter Yuria. Quand on m’a annoncé son retour je me souviens que je n’avais pas soutenu cette idée.

Buronson: Mais nous n’avons ramené aucune autre personnage à la vie.

Hara: Oui, c’est vrai. On nous a demandé de ramener des personnages populaires comme Toki et Rei, mais si on ressuscite à tout va alors la mort elle-même perd tout son poids.

Les scènes violentes de l’anime sont devenues un véritable sujet de discussion à l’époque.

Hara: Quand je dessinais le manga j’ai fait de mon mieux pour éviter que les scènes trop violentes ne se ressemblent pas trop.

Buronson: Mais dans l’anime ça éclabousse de partout ! Nous sommes souvent intervenu sur ce sujet, « Ne montrez pas le sang », « Ne pas le colorer en rouge » … on l’a répété de nombreuses fois.

Hara: Pour le manga il n’y avait pas de problème, tout est en noir et blanc.

Buronson: L’anime est en couleur, et le sang était rouge. Nous sommes allés aux studios de production de la série télévisée pour demander à ce que le sang soit coloré en bleu ou pour qu’on lui donne un effet différent. Cependant, certaines scènes ont gardé un fort impact visuel en termes de violence, et les gens ont commencé à le critiquer. De nombreux mangaka ont alors essayé d’imiter Hara en essayant de proposer des œuvres avec des scènes de violence réalistes. A l’époque je pensais que ces mangaka ne ferait pas une longue carrière, et j’avais raison car aujourd’hui nous n’en entendons plus parler.

Hara Sensei, vous inspirez-vous de personnes réelles pour vos personnages ?

Hara: Oui, je me suis inspiré du cinéma et d’illustrations. Pour Hokuto no Ken, ce sont les illustrations de Frazetta et Neil Adams qui ont été mon point de référence. En général, les bandes dessinées américaines ont eu une forte influence sur moi. Pour Kokuō, par exemple, tout le travail revient à Frazetta (rires).

Buronson: Oui peut voir clairement l’influence des comics dans Hokuto no Ken. Tout comme dans Conan, tous les personnages sont virils.

Hara: Kenshirō a un physique normal, mais quand il se met en colère, il déchire tous les vêtements … exactement comme dans les comics.

L’Incroyable Hulk …

Hara: Oui, exactement.

Les gens ont souvent comparé Hokuto no Ken à Mad Max.

Buronson: Oui tout l’univers de Hokuto no Ken vient de là.

Hara: Il y a aussi une touche de Syd Mead. Hokuto no Ken intègre des films comme Blade Runner et d’autres films de cette époque. On trouve aussi l’influence de Bruce Lee mais aussi de Sylvester Stallone à un autre moment de l’histoire.

Très juste. Il y a certains moments où Kenshirō est identique à Stallone.

Hara: A l’époque, toutes ces influences m’ont permis de progresser. Stallone a gagné une place importante dans mes créations.

Pourquoi avoir dessiné Kenshirō avec des lunettes de soleil ?

Hara: En référence à Cobra…

Buronson: Kenshirō avec des lunettes de soleil ?

Hara: J’avais une liberté totale en ce qui concerne la tenue des personnages.

Quelles ont été les influences pour Ein ?

Hara: Ein a été calqué sur Apollo Creed dans les films Rocky, et plus précisément sur son costume avec le drapeau américain. Je réfléchissais à une façon d’intégrer ce costume dans mes dessins.

De quel personnage vous sentez-vous le plus proche ?

Hara: Un peu de tous, mais Kenshirō en tout premier.

En tant que lecteur je peux vous dire que ce fut toujours un coup au moral de voir les meilleurs personnages mourir si tôt.

Hara: A l’époque ma tête étaient pleines d’images et d’idées sur ce qui devait se produire dans le chapitre suivant, je n’ai pas vraiment eu le temps de m’apitoyer sur leur mort.

Buronson Sensei ?

Buronson: J’ai le mauvais rôle dans l’histoire, le héros n’agit que pour arranger les drames que j’ai imaginé.

Hara: J’ai eu l’impression en lisant votre scénario que vous vous sentiez plus connecté à Raoh.

Buronson: Probablement parce qu’au fond de moi je l’ai toujours considéré comme le plus fort et que les affrontements entre les personnages sont ce qui fait le sel de l’histoire. Depuis cette perspective, Raoh a donc joué un rôle important. Mais je pourrai dire aussi que je l’aime tout simplement parce qu’il est grand !

Hara: Quand j’ai lu le scénario, j’ai commencé à fantasmer sur Toki et Raoh, au potentiel de ces deux personnages dans l’intrigue.

Buronson: Rei, Souther et Shū disparaissent tous de façon épique. Des personnages qui meurent comme ça sont inoubliables, même pour moi.

Ils reflètent votre vision de ce que devrait être un vrai homme ?

Buronson: Eh bien, je ne suis peut-être qu’un bête artiste (rires) mais je pouvais deviner ce qui ferait pleurer les lecteurs.

Y compris les derniers mots de Raoh, ” De ma vie je ne garde aucun regrets “…

Buronson: C’est beau, non ? (rires)

Très beau.

Buronson: Je ne me reconnais pas dans ces mots (rires).

Hara: J’ai dessiné cette scène en y mettant tous mes sentiments … vous savez, pour éviter que les lecteurs ne se sentent pas floués (rires).

Buronson: Ma personnalité est plus proche de Jagi.

Ce n’est pas un peu embarrassant ?

Buronson: Je vis ma vie en suivant mes désirs et ma soif d’argent.

Hara: Non il n’est pas comme ça.

En parlant de morts épiques, celle de Souther était aussi très puissante : les trois frères de Hokuto sont réunis et la pyramide de l’empereur sacré était spectaculaire, grâce à la tridimensionnalité qu’a réussi à créer Hara Sensei.

Buronson: La fin de Souther était encore plus belle que celle de Raoh. J’ai adoré écrire la partie où Shū porte sa propre pierre tombale jusqu’au sommet.

Shū, avant de mourir, dit qu’il peut voir le visage de Ken.

Buronson: C’est une référence au Christ à Golgotha. Quand mon script est bon, les modèles atteignent un autre niveau. Avec la mort de Souther et celle de Raoh j’ai eu quelques difficultés et les conceptions ont, dans un sens, été touchées.

Oups … J’ai dit quelque chose de mal ? (rires)

Hara: Je dirais qu’il y a eu une influence mutuelle sur ce sujet, un échange d’énergie entre moi et Buronson.

Buronson: Je veux dire que quand je suis en forme je suis bon dans mon écriture, mais quand je ne suis pas à 100% ça se reflète sur la qualité du script.

Vous avez toujours pu respecter les deadlines ?

Buronson: Toujours, oui.

Hara: Je suis lent et je ne pouvais pas travailler avec un auteur lent.

Une nouvelle légende est sur le point de voir le jour ?

Quel est pour vous le secret qui rend Hokuto no Ken si populaire ?

Hara: C’est une oeuvre qui est toujours amusante à lire et qui touche tout le monde grâce à la fraîcheur de ses personnages.

Buronson: Probablement parce qu’ils sont conçus pour être forts. Ils ne peuvent compter que sur leurs poings.

La virilité dont est imprégnée cette oeuvre est donc quelque chose vers laquelle tout le monde aspire ?

Hara: Oui, je dirais que c’est le souhait de tous les garçons. La capacité d’assommer quelqu’un qui vous intimide est le désir de tous gars … mais au final on finit toujours par s’incliner devant plus fort que soi, cela est vrai même quand nous devenons adultes et que nous trouvons notre place dans la société. Il y a toujours un plus grand pouvoir au dessus de nous contre lequel nous ne pouvons rien faire. De plus, il y a vraiment des gens mauvais, des gens qui font des choses horribles. Voilà pourquoi nous voulons une revanche sur ces gars là. Kenshirō fait face aux forts qui tourmentent les faibles, les condamnant pour leur bassesse.

Buronson: Exactement.

Hara: Si j’avais des muscles comme ceux-là (pointe une image de Ken), je serai certainement curieux de savoir ce que ça fait de frapper quelqu’un.

Buronson: Les personnages les plus populaires sont tous morts en essayant de faire face à des adversaires plus puissants. Ils ne se battent pas avec des plus faibles qu’eux.

Hara: Mon travail se mêle avec le drame qui découle de cette philosophie créée par Buronson. Voilà pourquoi le résultat final est si grand.

Quand avez-vous commencé à avoir à l’esprit la façon dont se terminerait l’histoire ?

Buronson: Eh bien … Je ne pensais pas dire ça avant, mais probablement qu’il aurait pu y avoir une fin différente de celle que j’ai choisi.

Hara: Après avoir grandi avec “Taiyō ni hoero !” (太陽 に ほ え ろ – série policière de 718 épisodes où tous les personnages meurent dans le dernier épisode), je m’attendais à ce que le personnage principal meure à la fin. J’ai toujours pensé que Ken serait tué dans le dernier chapitre, et je continuais d’attendre le moment où il tirerai sa révérence.

Mais Ken ne meurt pas à la fin.

Hara: À un certain moment, j’ai commencé à penser que le tuer en ferait une chose du passé et je me suis convaincu que le garder en vie était le meilleur choix.

Buronson: C’est probablement arrivé parce que moi et Horie (rédacteur en chef à l’époque) nous pensions que nous pourrions faire une deuxième partie quelques années plus tard. La dernière scène est une sorte de remise à zéro, elle reflète le style dans lequel Hokuto Ken a commencé, laissant en quelque sorte une porte ouverte pour une suite.

Hara: Enfant, je me suis habitué à l’idée de la mort du personnage principal, comme Matsuda Yusaku.

Est-ce que vous voulez parler de “Jeans” (surnom de détective Matsuda Yusaku dans “Taiyou ni hoero!”) ?

Hara: Exactement. Même si le personnage meurt en faisant quelque chose de stupide, comme Shoken (surnom de Hagiwara Kenichi, un autre acteur de la série) qui est tué alors qu’il est en train de pisser. J’accepte une telle idée …

Buronson Sensei, pouvez-vous imaginer la mort de Ken ?

Buronson: Non.

Pas même dans l’idée d’une suite ?

Buronson: Disons que le tuer d’une manière inattendue ne serait pas une mauvaise façon d’aborder le sujet, mais si je fait ça alors ce que j’ai construit durant cinq ans disparaîtrait en un instant. C’est ce que je ressens. Je ne peux pas tuer Kenshirō sur deux pieds, ça doit être une mort glorieuse.

Hara: Kenshirō a tué tant de gens, donc je pensais qu’il finirait par mourir. Dans mon esprit, ça permettrait de boucler la boucle, ou, si vous préférez, ce serait comme une manifestation de la loi du karma …

Mais ils vous ont persuadé de le garder en vie (rires).

Hara: Ouais… J’ai finalement dit “d’ accord, pourquoi pas ?”. J’étais dans une situation où je ne me souciais plus de rien, tout irait bien (rires). Je voulais juste en finir avec Hokuto no Ken. C’était un mois après après la fin de cinq années de travail intensif, je pouvais enfin partir pour ces vacances à Hawaii que je m’étais promis de faire. Honnêtement, à ce moment-là, je voulais seulement en avoir fini avec Hokuto no Ken.

C’est souvent ce que disent beaucoup de mangaka, la fébrilité et l’impatience quand arrive le moment de conclure une série.

Hara: C’est très difficile de travailler avec des délais hebdomadaires. Je l’ai fait pendant cinq ans sans jamais manquer un délai…

Buronson: Il me fallait 2 jours pour écrire le scénario d’un chapitre, mais le travail du Hara demandait une semaine complète. En pratique, il ne pouvait pas se permettre d’arrêter.

Hara: J’ai eu environ une demi journée de congé par semaine.

Pour conclure, j’aimerai vous poser la question d’une possibilité de suite. Les lecteurs seraient ravis d’entendre pareille nouvelle.

Buronson: Honnêtement, cette idée ne m’emballe pas. Je travaillerais sur une suite uniquement si c’était une question de vie ou de mort… Il me faudrait un effort surhumain pour écrire une meilleure histoire que celle que j’ai écrite dans le passé.

Hara: Il ne l’écrirait que si sa propre vie en dépendait.

Buronson: C’est une décision que je prend à contre cœur parce que je sais que si une suite sortirait elle se vendrait bien. Mais je m’en voudrais d’arriver avec un script pourri.

La direction de Jump ne vous a jamais proposé de faire une suite ?

Buronson: Non, ils ne nous ont plus rien proposé, peut-être qu’ils nous haïssent d’avoir conclu la série.

Et vous, Sensei Hara, que pensez-vous d’une suite ?

Hara: J’y pense.

“Hokuto no Ken 2 ?”

Hara: Eh bien, je n’en ai pas encore discuté avec Buronson mais ça pourrait tout simplement s’appeler “Hokuto Shinken”. L’idée serait de garder le style de combat comme base et de changer le cadre. Le protagoniste pourrait même être un parent de Kenshirō

Une sorte de spin-off ?

Hara: Comme je l’ai dit, je n’en ai pas encore parlé avec maître Buronson, c’est juste une idée que j’ai en tête donc il n’y a rien de certain.

Qu’en pensez-vous, Sensei Buronson ?

Buronson: Nous n’avons plus notre rédacteur en chef, le seul qui connaissait aussi bien l’univers de Hokuto no Ken. Nous pourrions le réaliser sans Horie, mais ce serait vraiment un parcours du combattant.

Je vois. Vous avez travaillé à trois dans l’oeuvre originale donc il est peu probable que vous puissiez travailler seulement à deux sur une suite ?

Buronson: Jump ne nous enverra aucun éditeur…

Buronson: Le truc c’est que si on veut faire une suite on DOIT créer quelque chose qui est mieux que l’original…

Hara: Et dans le monde du manga, les suites ne sont jamais mieux que les œuvres originales.

Et si Hara Sensei vous demande de travailler sur ce projet ?

Buronson: Cela dépendra de mon état à ce moment là, si je suis fauché, je finirai probablement par travailler dessus (rires). Au final, tout ce qui compte c’est de pouvoir remplir son frigo. Mais je sais aussi que j’ai des mots durs et que je finis toujours par me prosterner devant le dieu de l’argent…

Nous sommes déjà impatient à l’idée d’une suite ! Merci pour tous les efforts que vous y mettrez !

Hara: S’il y a un krach boursier, vous aurez probablement votre suite (rires).

Le 4 Juin 2000, Tetsuo Hara,  ainsi que Nobuhiko Horie, Tsukasa Hojo (City Hunter), Ryuji Tsugihara, Akira Kamiya (voix historique de Ken au Japon) et Tadashi Negishi (ancien rédacteur en chef du JUMP Monthly Shonen), a fondé sa propre maison production: Coamix CORPORATION.Ainsi, un an après cette interview, l’idée d’un spin-off de Hara prend forme avec la sortie de Souten no Ken, qui fait ses débuts dans l’hebdomadaire Bunch Comic du 15 mai 2001.Seul Buronson sera exclu de ce nouveau projet, sous prétexte de “le protéger contre les conséquences de l’échec“, comme le dit le Hara dans une interview en 2013.

Faites tourner !